Le bâton de marche

9.6.10

 

Beaucoup de mains pour faire la lumière, juste quelques-unes pour faire briller

Traduction de l'article "Many Hands make the light work, a few make it shine" de Benjamin Humphrey.

"Ubuntu se tient à une place spéciale entre Windows et Mac OS X réservée seulement à Linux : plus brillante que Windows, moins qu'OS X, ce qui donne une pile fumante de médiocrité.

Depuis que je suis impliqué dans le monde Ubuntu, j'ai été témoin de nombreux exemples de la volonté de tenir la voie du milieu : ça marche, ça fait ce qui était prévu, mais ça ne s'étire pas un peu plus pour rendre l'expérience utilisateur plus plaisante et de ce fait les consommateurs heureux. Ces implémentations à moitié cuites conduisent paradoxalement à plus de frustration que si elles avaient été tout simplement omises. Les utilisateurs essayent de s'amuser avec les jouets brillants dispersés par les développeurs, pour découvrir finalement les bords pointus et tranchants.

Une des raisons pour lesquelles Apple remporte tellement de succès et possède une si bonne image de marque vis à vis du grand public est qu'ils ont toutes ces supers idées, mais qu'ils suivent avec des réalisations fantastiques et une attention au détail.
Nous semblons avoir un saupoudrage des premières, mais rien de la suite. D'après Derek Sivers, les idées sont seulement un coefficient multiplicateur. Une idée brillante ne vaut rien, à moins que vous n'y passiez le temps nécessaire pour que sa réalisation soit elle aussi brillante.

Par exemple :

Les plans de Launchpad : Au Ubuntu Developers Summit on m'a assigné beaucoup de tâches textuellement sur un tableau blanc, d'après des plans individuels. Maintenant, tous les trucs que j'ai à faire sont étalés partout sur Launchpad et c'est très chronophage de réellement arriver à comprendre ce que je suis censé faire. Si nous étions allés ce petit peu plus loin et que nous avions fait en sorte que les tâches soient allouées au personnes, je pourrais facilement voir toutes celles qui me sont assignées et avoir mes tâches décrites proprement à un seul endroit. Je passerais moins de temps à rechercher ce que je suis censé faire et à la place, plus de temps à le faire.

Le Me Menu : mon colocataire m'a demandé d'installer Ubuntu sur son ordinateur portable parce qu'il en avait marre de Windows. Après avoir un peu joué avec, il a retiré le Me Menu, pour découvrir finalement que le menu "Quitter" avait aussi été enlevé. Bien que les menus ne soient pas même apparentés de manière aléatoire, ils sont liés pour une raison quelconque ce qui donne un résultat inattendu lorsque vous essayez d'en oter un.

Ceci sans mentionner qu'il manque une étiquette au champ texte.

Le système de notifications : il a besoin de quelques améliorations, comme gérer les priorités pour qu'il n'interrompe pas vos jeux et vos films en plein écran, entre autres choses, mais il n'a virtuellement pas été retouché depuis sa première implémentation il y a un an. Avons nous juste décidé que c'est "assez bien" ?

L'infâme bogue copier/coller : si vous copiez du texte, puis que vous fermez la source de ce texte, et essayiez de le coller quelque part, rien ne se passera. C'est ouvert depuis six ans et c'est une de ces choses qui aurait dû être résolue il y a longtemps mais pour une raison ou une autre, cela a simplement été négligé.

Brainstorm : une excellente idée en théorie - quoi de mieux qu'une infrastructure où les utilisateurs peuvent se servir de la démocratie pour voter pour des caractéristiques ? Il y a juste un problème : je ne pense avoir jamais vu une idée originale de brainstorm réalisée, qui n'était pas déjà planifiée par Canonical.

Ubuntu One : j'ai entendu des tas d'histoires comme quoi il ne se synchronise pas correctement, ou ça ne marche pas lorsque vous achetez une chanson et plusieurs personnes ont même dû télécharger leurs chansons une par une via l'interface web quand ça ne les synchronisait pas. Ça ne supporte aucune autre plate-forme non plus ce qui ne me donne aucune raison de l'utiliser avec Dropbox, d'autant plus que je ne peux pas acheter la musique que j'aime parce que ma région n'est pas prise en compte de toute façon.

La documentation Ubuntu n'a pas été mise à jour depuis 2008, pas même la mention du copyright. La documentation officielle porte juste sur les trucs qui montent, et sera de plus en plus hors sujet avec l'avancement d'Ubuntu avec Unity, les nouveaux applets indicateurs, Me Menu, Notifications, la Logithèque Ubuntu, windicators, décoration côté client etc.

En fait, il n'y a absolument aucune documentation pour le Me Menu dans la documentation officielle de la 10.04 et les recherches sur le sujet ne rapportent pas grand chose. Pas plus qu'à propos de la Logithèque Ubuntu.

Ensuite il y a les documents de la communauté, avec un sous domaine d'ubuntu.com se référant à Microsoft en tant que M$. Je veux dire, quand même. Non professionnel à ce point ?

Et où sont les images ? La documentation et le support devraient être plein de tutoriels interactifs, d'aides visuelles et de multimédia - mais il n'y en a pas parce que c'est simplement plus simple d'avoir seulement du texte.

Je vous entends dire que tout ceci est correct, parce que nous avons un "processus de développement itératif" où nous sortons quelque chose tous les six mois et ensuite nous travaillons dessus pour la prochaine sortie. Mais ici le problème c'est d'être toujours en train de faire la sortie d'un produit, et, dans le cas de sorties LTS (ie. Support à Long Terme), le consommateur peut ne pas en voir une nouvelle avant un ou deux ans. La grande force d'Ubuntu est la version de bureau, c'est la première distribution Linux que beaucoup de gens abordent - et donc toutes les petites verrues ne sont pas sur nos pieds mais apparaissent sur notre visage.

Nous avons déjà appris la leçon selon laquelle des personnes essaient Ubuntu, n'aiment pas, et ne ré essaient jamais plus. Combien de fois avez vous entendu dire des gens qu'ils l'ont essayé il y a quelques années et pensé que c'était moche et que leur carte wifi n'avait pas marché ? Ils sont très difficiles à faire changer d'avis, donc c'est capital de faire en sorte que chacun des produits que nous sortons ait un standard qualité élevé, que ce soit en suivant un calendrier ou non.

Certaines personnes et projets le font correctement - le elementary project, les gars de docky, le projet papercuts sont de parfaits exemples de ce qu'Ubuntu devrait être. Nous avons besoin de plus de projets comme celui des 100 coupures de feuilles - où les bogues sont identifiés et résolus sans chamaillerie. Ce projet fait l'effort de faire le boulot, et le résultat immédiat donne un produit globalement meilleur à cause de toutes ces petites choses qui comptent.

L'équipe elementary créé de super thèmes, icônes et des tweaks Nautilus avec une grande attention au détail, du coup leur système d'exploitation semble incroyablement brillant, et Docky a un rendu professionnel qui le rend même meilleur que le dock de Mac OS X qu'Apple a passé des années à développer et paramétrer. Intégrez ça avec un travail très innovateur et vous avez soudainement une fonctionnalité que vos concurrents n'ont pas. Mais au lieu d'inclure ce super boulot dans le système, on l'enterre dans un dépôt. Ma liste PPA est longue de deux kilomètres parce que le logiciel que je veux utiliser n'est pas disponible dans les dépôts officiels.

Le problème ne réside pas seulement dans le logiciel, ou la communauté, ou dans un département ou une équipe particulière. Il me semble que c'est une attitude toujours présente associée avec les logiciels libres, Linux ou Ubuntu - ou tous les trois à la fois. C'est presque comme si nous avions placé l'objectif de qualité plus bas que nos homologues propriétaires, peut être parce que la plupart de nous sont bénévoles, ou parce que nous ne facturons pas nos produits ou que nous pensons que les logiciels libres vont devenir grand public un jour simplement selon leurs principes.

Nous même agissons parfois de manière à paraitre peu ouverts. Nous fournissons un support horrible aux débutants et nous sommes parfois grossiers. Nous ne collaborons nulle part autant que nous le devrions, et nous nous accrochons à la bureaucratie et aux pertes de temps de protocoles dont nous avons cherché si difficilement à nous libérer. Canonical retient les recherches utiles et l'information de la communauté, comme si nous travaillions les uns contre les autres, nous avons des assemblées pour diriger les assemblées et notre infrastructure de soutien et nos retours de première utilisation sont des gâchis. Notre communauté est quelque chose que nos concurrents n'ont pas, c'est un des atouts dans notre manche, et là nous n'utilisons pas son plein potentiel.

Nous faisons taire les gens qui expriment leurs préoccupations ou leurs critiques avec une bonne intention sincère, que ce soit en privé ou sur un carnet web que le monde entier peut voir. Nous ne sommes pas loin de changer, pas loin de nouvelles idées et des personnes enthousiastes et innovantes - au contraire de Google qui sont notre opposé total et ont prouvé que leurs méthodes fonctionnent. Ils stimulent la créativité et construisent un établissement où ils croient que rien n'est impossible - j'aimerais penser que nous avons aussi cette mentalité.

Si nous voulons résoudre le bogue numéro un, nous débarrasser du monopole de Microsoft qui a empoisonné le monde pendant 20 ans, et proposer le logiciel libre au plus grand nombre, nous devons nous mettre au boulot sérieusement. Pas seulement sur notre produit, Ubuntu, mais aussi à propos de notre collaboration et de notre protocole, notre infrastructure et nos contributeurs.

Nous travaillons tous pour le même but, donc ne soyez pas sur la défensive si je critique votre travail - j'essaie d'aider. Ne travaillez pas en secret lorsque vous avez une communauté entière de personnes intelligentes et talentueuses à votre disposition littéralement en demande de choses à faire, et ne lésinez pas sur les petits détails, parce que que ce sont tous ces petits détails ensembles qui transforment un bon produit en un fantastique. Calculez où tracer la ligne entre forcer une chose terne à être un produit sorti parce que vous vous accrochez à un planning, et peut être lui donner six mois de plus avant de l'intégrer.

Et rappelez vous, l'amertume de la mauvaise qualité reste longtemps après que la gratuité ait été oubliée.


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