Le bâton de marche

17.8.04

 

Cambodia Express

"To save our lives we had to do what we were told to."
- Soam Nim, 57 ans en 2004 -

9 minutes. Avant la perte de conscience. Le temps d'atteindre la seconde cellule de S21, la photo prise par les vietnamiens a leur arrivee, et les explications du guide francophone.
Aujourd'hui, la vie continue, il n'y a pas eu de proces, et les anciens ne semblent meme pas regretter leurs actes. Un processus de la conscience pour evacuer l'horreur ?

L'interet de commencer par la, c est d'avoir une journee pour s'en remettre. Dejeuner au bord de l'eau d'un Amok (drole de nom pour une specialite culinaire), puis l'ile de la Soie a velo : un village aux portes de la capitale, ou l'on peut regarder les antiques metiers a tisser travailler entre les mains expertes des femmes. Pour finir, une biere face au soleil qui se couche sur le lac, et une viree au Spark en compagnie de cooperants humanitaires francais. LA boite de Phnom Penh est une fantastique collusion de cliches khmers et occidentaux.
Etrange journee.

Le trajet en bus jusqu a Siem Reap, plus connue pour ses temples se passe etrangement sans encombres, aggremente par la conversation d'un discret professeur de lycee de japonais classique qui voyage avec sa femme. Je trouve etonnant de rencontrer autant de nippons voyageants seuls ou a deux (en europe, ils poussent dans des cars, non ?), mais je ne le lui dirais pas de peur de le vexer.

Je decouvre ensuite dans la jungle la splendeur passee du royaume du Cambodge; j'y retrouve meme des illustrations de Caroline et ses amis. Malgre les cars de touristes, il est facile de s'isoler entre deux colonnes pour bouquiner a l'ombre, alors que le soleil puni les temeraires.
Angkor me plait tellement que je me leve deux fois a 4h30 du mat pour aller y admirer l'aurore. Le plus etonnant, c'est que je suis loin d'etre le seul a en avoir eu l'idee.
Et apres le crepuscule, je m'ecroule.

Dans ce coin ci du globe, il semblerait que la pire route ne soit jamais la derniere, mais la prochaine. C'est l'idee qui me traverse l'esprit alors que je rebondis dans tous les sens dans un minibus qui prend la poussiere ocre de la route par toutes ses fenetres. Si ca a commence bien gentiment par une nationale plus ou moins goudronnee, ca n'a pas dure tres longtemps. Une nationale rouge et caillouteuse a d'abord remplace la premiere, avant de muer en une espece de fossile terreux de la derniere mousson. On avance a 10 a l'heure, j'ai eu la merveilleuse idee de choisir le siege situe au dessus de la roue arriere droite et je ne sens plus la moitie inferieure de mon corps. J aurais presque envie de coller ma main dans la tronche de mon voisin, qui arrive je ne sais comment a s'endormir dans les cahots, et qui menace toutes les 20 secondes de me coller sa sueur et sa crasse sur l'epaule. "Pas de violence, c'est les vacances"...
Pour compenser, la campagne environnante merite quand meme le coup d'oeil. Des bonshommes, de l'eau jusqu'aux genoux dans les rizieres, poussent leur charrue derriere un couple de buffles. Les petits gamins des villages qu'on traverse courent au devant de nous, nous saluer des deux bras et des poumons.
Et on a de la chance : il pourrait pleuvoir.

Apres plus de 7 heures de galere, on touche un poste frontiere, qui, si ce n'est pas celui prevu, s'il n'est pas sur les cartes, s'il n'y a pas moyen de changer mes riels - qui me resteront sur les bras, nous laissera pourtant gagner un pays civilise en moins d'une heure. Fantastique.