Le bâton de marche

7.10.03

 

Trois petits jours de boulot

L'avidité, ça n'est pas que la stratégie commerciale des grandes marques ou des grosses entreprises. C'est aussi ce qui pousse des gens qui ont de l'argent à en vouloir un peu plus encore.

En sortant de ces trois jours de boulot, job d'étudiant que je n'ai pas eu le temps d'exercer pendant mes études, je pensais en faire un post acide, saignant, plein de colère contenue. Ou tout au moins très ironique. Envers toute cette multitude qui se précipitait sur ces escalators après avoir pris d'assaut l'ilôt de la borne d'accueil. Quand ils avaient pensé à y passer.
Tous ces papys et toutes ces mamies, dont les clônes ont défilé devant moi, sans interruption, de 8h30 vendredi matin ("L'ouverture est dans une heure, monsieur") à dimanche soir 17h. Tous ces jeunes cadres dynamiques venus présenter aux précédents leurs solutions sans failles (à 99% tout de même) aux problèmes posés par les marchés financiers. Parfois aimables, parfois trop pressés pour l'être, quand quelques uns étaient même trop sûr de leur propre importance pour s'abaisser à ralentir devant la personne à l'entrée de l'escalator et lui adresser ne serait ce qu'un regard.

L'habit ne fait pas le moine, dit le proverbe. J'avais déjà eu l'occasion d'en vérifier une premiere version lors d'un job d'été, quelques années auparavant, en travaillant pour une entreprise de manutention opérant au sein d'un environnement tertiaire. Lorsque les cravatologistes évitaient de croiser mon regard ou même de m'adresser la parole (un individu en bleu de travail risquait en effet de ne pas comprendre, pour sûr).
Mais on peut être costumé en pingouin, et être quasi autant ignoré. Adopter les codes vestimentaires d'un milieu n'est pas suffisant pour s'en faire accepter. Il faut encore en adopter le comportement. Et, oui, le job d'un vigile, debout à ne rien "faire" de sa journée n'est pas intellectuellement très intéressant. Pas plus que celui de la personne qui vous donne le programme de votre journée et vous indique l'entrée. Mais parce que ces personnes ne font pas marcher leur cervelle devant vous, cela ne signifie pas qu'elles n'en sont pas capables. Elles n'en restent pas moins des êtres humains. S'il vous plait, un bonjour n'arrache pas la gueule, même de bon matin.

Mais...
Mais... comment leur en vouloir quand je me reconnais dans chacun d'entre eux ? Le petit grand père râleur, parce qu'il doit aller faire la queue à l'accueil pour échanger son invitation pour un passe, c'est moi lorsque j'enchaine les merdes. Le jeune yuppie-je-suis-de-chez-Winch, c'est moi lorsque le vigile avec lequel je discute m'avoue avoir arrêté l'école à 12 ans. La grand mère colérique, c'est moi lorsqu'on me contrarie alors que je suis persuadé d'avoir raison. Toute cette horde se précipitant sur la borne d'accueil, c'est encore moi lorsque je suis à la bourre. Celui-ci ayant oublié ses invitations, c'est toujours moi - j'oublie tout.
Alors oui, les gens sont chiants, souvent mal éduqués - et l'argent achète peut être bien des choses, mais pas l'éducation - , râleurs pour un rien, grugeurs. Mais ils sont aussi amicaux, souriants, agréables, et même plutôt obéissants si on sait trouver leurs mots.

C'est vrai que ça n'était pas très amusant. Mais ça n'était pas non plus très long, ni très pénible. Ca fait toujours un petit paquet d'argent - même sans aimer ça, comme tout un chacun j'en ai besoin. Les collègues féminines étaient jolies (quand on est hôtesse, on est un peu payé pour), bien que peu attirantes dans leur uniforme inhibiteur (avis personnel). Et lorsque l'on nourrit un blog depuis quelque temps, l'observation de la faune et de la flore fait facilement passer le temps.

Je regrette quand même une chose, c'est de ne pas avoir laissé passer les quatre petits gitans. Je suis sûr que ça aurait mis de l'ambiance.