Le bâton de marche

14.10.03

 

La paix de Rutebeuf

I

Mon cher ami, Dieu le maintienne !
Mais raison me montre et enseigne
Qu'à Dieu fasse une telle prière :
S'il est moyen, que Dieu l'y tienne !
Car, si en seigneurie vienne,
J'y perds honneur et bonne chère.
Le moyen est de belle manière,
Son amitié ferme et entière,
Et c'est de bon gré qu'il compagne ;
Car comme plus basse est la lumière,
Mieux elle éclaire avant arrière,
Mais plus elle est haute, plus elle s'éloigne.

II

Quand l'homme moyen devient grand sire,
Lors vient flatteries et naît médire :
Qui plus en sait, plus a sa grâce.
Lors sont perdus jeux et rires,
Son royaume devient empire
Et tous en suivent la trace.
Le pauvre ami est à l'écart ;
S'il vient en cour, chacun l'en chasse
Par gros mots ou par injures.
Le flatteur - la pute sa race -
Fait qui il veut, vider la place :
S'il le veut, le meilleur devient le pire.

- Rutebeuf -