20.8.03
Marre des touristes ?
Pour échapper aux touristes, rien de tel que d'aller visiter les pays hors-circuits. L'Arménie par exemple. Bien que mon séjour date d'il y a deux ans déjà, mes récentes informations sur le sujet m'indiquent que rien n'y a changéCoinçée à l'est de la Turquie, entre l'Azerbaïdjan, la dangereuse Géorgie et l'Iran, l'Arménie est un pays en dehors des traditionnels circuits touristiques pour moultes raisons : ancien pays du bloc soviétique, on n'y parle très (très) peu l'anglais, tout autant que le français. Y voyager sans parler russe ni arménien relève du challenge, les deux alphabets même étant incompréhensibles au profane.
Bien que figurant non loin de l'Eden dans la mythologie de la diaspora arménienne, c'est un pays dévasté : le tremblement de terre de 1989 y a laissé sa marque, parfois encore très (très) nettement visible (la ville de Gumri en est un exemple frappant). Et l'écologie, bien que motif d'indépendance il y a près de 15 ans, ne fait pas encore partie du vocabulaire local.
Les routes sont de grandes blagues, exceptées 2 ou 3 traversant le pays de part en part, financées par la Banque Mondiale. Parsemées de trous, elles donnent toute sa signification au mot "amortisseur" et rendent fade le premier trajet parcouru de retour au bercail. Les véhicules de marques occidentales n'y résistent pas longtemps, quelque soit le modèle, et il faut tout l'amour des arméniens pour la Mécanique pour leur conserver un semblant de santé. Il faut noter la curieuse habitude des forces de l'ordre locales d'arrêter tout ce qui leur passe devant le nez, et qui n'a pas de plaque "reconnaissable" (rouges pour les diplomates, codées pour les mafieux). Le salaire de base n'est manifestement pas bien élevé. Les transports sont décrits dans le guide comme extrêmement bien développés. Mais si on se fie au guide, on pourrait croire qu'on se trouve près de Clermont Ferrand. On y voyage dans des minibus surbondés, hommes et animaux s'y tassant tant bien que mal, qui tombent en panne à une fréquence relativement proportionnelle à la longueur du trajet.
A la sortie de l'avion (dont l'atterrissage fut applaudi...)(... qu'est ce que cela voulait dire ?), la capitale, Erevan, semble puer. Impression qui disparait après accoutumance. Sombre représentation d'une ville post-apocalyptique lorsqu'on a la chance d'atterrir de nuit au beau milieu d'une des fréquentes pannes d'électricité.
L'eau "courante" n'a pas la même signification que par chez nous : des bacs de stockage sont remplis quotidiennement entre 6h et 8h du matin, dont la consommation doit impérativement suffire aux occupants des logements.
Si l'on a la bonne idée de s'y rendre l'été (la saison "idéale" semblerait être l'automne), la canicule française pourra paraître clémente au vu des températures subies. La chape de plomb surprend le nouvel arrivant.
Et politiquement, bien que la crise (et la guerre) du Haut-Karabakh soit "terminée" - les mômes de 18 ans y passent pourtant leurs années de service - c'est plutôt la mafia qui gouverne, sous couvert de démocratie.
Et je n'y suis resté que deux petites semaines.
Mais pourquoi y aller, alors ? La simple fuite du touriste rougeaud, braillard et chauvin ne semble justifier une telle punition. Dans mon cas, la question serait pourtant : "Pourquoi vouloir y retourner ?".
Parce que l'Arménie recèle des paysages grandioses, variés, où l'Homme (pourtant un temps conquérant, fier, et fort, et communiste...) n'y a encore que peu posé son empreinte boueuse. Les montagnes du nord sont plutôt encore verdoyantes (on se croirait presque dans les alpes, vers Alaverdi) (dans les alpes... il y a une centaine d'années). A Tsaghkadzor, ancienne station d'entrainement de l'équipe soviétique de ski, les mots "hors piste" sont une réalité qui se fait jour dès la vision de l'unique téléphérique. Je m'étonne d'ailleurs que malgré les difficultés d'accès, les grands riders n'y soient encore allés. C'est pourtant un pays fait pour les raids, les trekkings, les sports extrèmes... De la plaine centrale jusqu'aux montagnes pelées du sud et de l'est, on se sent sur une autre planète (si on ne l'a pas ressenti bien avant). On aperçoit une yourte et tout à coup on fait un bond dans le temps.
Parce que sorti de
Et puis, surtout, la raison qui efface tout ce qui pourrait y paraître difficile : si on en perd de plus en plus la valeur ici, on retrouve là bas notre Humanité. Les gens y sont gentils sans hypocrisie. Curieux devant le touriste qui a parcouru tant de chemin pour visiter leur pays, dont ils ne sont pourtant pas toujours très fiers. Combustion spontanée sous l'effet de la chaleur humaine garantie. Au retour, en faisant les comptes, il est difficile d'admettre qu'ils nous ont plus donné qu'on ne leur a apporté. C'est pourtant le cas. Ils n'ont pas grand chose mais nous le donnent de bon coeur. On ne s'en relève pas indemne.
Et je n'y suis resté que deux petites semaines.