Le bâton de marche

28.8.03

 

Les sardines et les mouettes

Je ne sais pas bien quelle heure il est lorsque je reçois le second mail. Aussi mystérieux que le premier, tout noir, seulement deux liens bleutés émergeant du carré sombre. Mais j'ai décidé de participer, alors ne voyant rien de plus que ces deux liens, j'amorce une réponse à l'auteur. Miracle de l'informatique, le message de mon mystérieux correspondant s'affiche dans mon texte. Une heure et un lieu y sont indiqués, où l'on me donnera plus de détails : 18h48, métro Tuileries. Accro aux Gilmore Girls depuis le début du mois, le programme va être serré. Mes rollers seront cependant mes Balio et Xanto. Prévoyant, je remonte tout de même mon frein.

Tout s'enchaine ensuite, comme sur des roulettes. J'attrape le 18h11. A 31, je suis dans le métro. Un coup d'oeil à l'heure, tout va bien. Descendu à Pyramides, je ne mets pas 3 minutes pour rejoindre l'homme, croisant au passage un premier groupe bien joyeux.

L'homme, aussi grand que moi sur mes roues, distribue à l'entrée du parc ses programmes, dont il a grande provision. Muni du sésame, je m'encquiers des directives. Tout se jouera en trois minutes sous la pyramide du Louvre, tout proche, à 19h15.
Je suis dans la place 1/4 d'heure avant, mes rollers soigneusement remplacés par une paire de tennis des plus communes. Je traine alors du côté des boutiques, toutes fermées, m'informant des dernières publications. Aucune en vue sur le Groupe des 7 ou l'école Flamande, mes peintres préférés avec les Impressionistes. Je peux observer au passage les arrivées anodines. Nombre de mes complices, la plupart entre 20 et 35 ans - mais je vous ai vu aussi monsieur, sont venus par petits groupes. A mon grand soulagement, je ne vois pas - encore - de caméras.

Plus que 2 minutes. Je me rapproche nonchalamment, échangeant au passage un grand sourire avec l'un de mes collègues, fébrile, le téléphone déjà à la main.
Soudain, tout s'emballe.
La foule - 200 personnes ? - se dirige vers la base des escalators indiqués, le pied rapide et l'oreille collée au portable. Pas mal d'appareils numériques sont de sortie, quelques petites caméras aussi, et "O désespoir, ô vieillesse ennemie..." : les escaliers de l'entrée sont remplis de journalistes, bazooka à l'épaule.
Dommage.
L'ambiance est euphorique, cependant. Nous partageons une réelle connivence, qui me surprend et me plait. Après une minute de ce petit manège, chacun se fige. J'entends un murmure s'élever des spectateurs surpris et amusés.
Les trentes secondes éclatent et les corps s'affaissent, les uns sur les autres, sur le marbre du sol.
C'est finalement sous l'élixir d'une standing ovation que la FouleEclair s'achève, le troupeau s'acheminant presque au complet vers la sortie du carousel.

Je reste quelques minutes près des vitrines, comme quelques autres. Le service de sécurité semble amusé, mais finalement peu surpris. A la sortie de la pyramide, j'ai le temps de remarquer un apprenti journaleux, caméra en avant, tentant d'interviewer un vigile ennuyé et sans explications.
Je rechausse mes coursiers et je m'éloigne.

La première foule éclair parisienne vient d'avoir lieu.