3.7.03
Le miracle du plus lourd que l'air
Comme il y a un siècle, j'ai pu à mon tour éprouver les sensations (était ce les même ?) des pionniers. Ceux dont on oublie doucement le nom: les frères Wright, Farman, Blériot, Guynemer, la Coupe Deutsch de la Meurthe, Mermoz...L'un de mes amis ayant sa licence de pilote privé depuis quelque temps déjà, il doit voler un certain nombre d'heures par an (ou par mois ? j'ai oublié) pour la conserver. Normal: on ne va pas laisser quelqu'un prendre l'air alors qu'il n'a pas touché un manche depuis des années. Aussi, l'occasion s'étant présentée, il m'a proposé un petit tour en coucou. Oui, oui, dans un avion à hélice, avec des ailes en bois et en toile. Et un aérodrome, ça change de Roissy...
Un avion privé, c'est comme une voiture, m'a t'il expliqué, sauf qu'il faut tout faire à la main: avant le décollage, tour de l'avion pour vérifier les ailes, les lumières, les gouvernes et les volets, ainsi que l'hélice ("si elle est fissurée et que le bout gicle, l'avion part de travers, y en a qui se sont tués comme ça" - ah...).
Lorsqu'on grimpe sur l'aile pour rentrer dedans: pas par l'avant, vous passeriez pour un(e) bourrin(e). Par l'arrière. Dans l'avion, on est plutôt serrés, (oui, le vrai luxe, c'est l'espace...), il faut faire gaffe à pas toucher le manche avec les genoux lorsque les commandes sont dédoublées. D'ailleurs, le bouton sur le manche, ça n'est pas pour les missiles, il n'y en a pas sur un modèle comme ça. "C'est pour appeler la tour. Si t'appuies, ils entendent tes conneries."
Y a pleins de cadrans sur le tableau de bord, comme dans les jeux vidéos, et il faut encore tout vérifier, ce qui m'a permis de connaitre l'utilité de tous ces bitonnieaux - et de l'oublier aussitôt.
A partir du moment ou le moteur est en route, inutile de s'égosiller, on utilise des casques comme dans "La chasse au trésor" avec Philippe de Dieuleveu (sauf que c'était un hélico). Et là, surprise: on voit à travers l'hélice ! Eh oui, comme elle tourne suffisamment vite, on peut voir "a travers"...
Ensuite, on appelle la piste pour signaler qu'on veut partir, il faut parler chinois, c'est l'usage ("Allo Zoulou Roméo, ching chang chong jen"). La piste nous ayant permis le passage ("Allo ching chang chong jen Zoulou Romeo"), on prend le taxiway jusqu'à l'entrée. Là, nouvelles vérifications. On prend le répondeur qui nous donne tout plein de données météo (AOEx 1024, OEXd 3200...) puis on appelle la tour ("Allo Zoulou Romeo chang ching jen zong") qui nous donne enfin le feu vert ("Jen zong cheng ping Zoulou Romeo").
Décollage à 110 km/h, ca parait facile. Et puis on grimpe. Pour convertir les pieds en mètres, il faut multiplier par 3 et diviser par dix. Simple. Là haut, ca secoue un peu. Un peu si on a pas l'estomac plein. Mais je peux imaginer ce que ça peut faire si on sort d'un bon gueuleton. On est loin de l'airbus... Dès qu'on passe au dessus d'un petit bois (et la Beauce en est pleine), si on n'est pas assez haut, ça secoue, rapport à la colonne d'air froid au dessus du bois - et du chaud au dessus des champs... Et c'est plutôt pas mal. L'avion vole presque tout seul, il faut juste vérifier l'altitude ("sur ce modèle: une largeur de main entre le tableau de bord et l'horizon"). Et faire attention au paysage, sinon on se perd. Parce que là haut, évidemment, il n'y a aucune indication. Si vous n'avez pas repéré l'autoroute ou la voie ferrée, tant pis pour vous ! Tout se ressemble, tout est petit, et on est bien en haut, dans notre fragile engin...
Heureusement, ça n'était pas son premier vol, et on a retrouvé le terrain facilement. On n'a pas fait de virages à 60° ("deux G dans les dents") l'atterrissage n'était pas trop spectaculaire, pour un premier vol, c'était très bien.
Mon seul regret, c'est l'absence d'hôtesses.