Le bâton de marche

27.7.04

 

A Hue et a dia

Si on reprend depuis la derniere fois, alors ca commence par un bus de nuit jusqu a la frontiere. Et trois heures d attente, parce qu elle n ouvre qu a sept heures du matin. Franchir cette passe sera aussi beaucoup plus long que traverser un fleuve.
Deux nouvelles heures plus tard, c est la descente. La chute finale de "Tigre et Dragon", en 3D Imax. Une petite route s accroche comme elle peut, au milieu des nuages et des arbres qui tiennent on ne sait comment sur une pente a 80 degres. Le conducteur se montre etrangement prudent : quand j apercois les glissement de terrains, que des chapeaux coniques se pressent de consolider, je comprends mieux.
Ca semble durer des heures, avant d arriver en bas, une large vallee tapissee de rizieres, escortee de loin par une serie de massifs qui me rappellent les Monteregies du Quebec. Apres une pause dejeuner - exercice de signes, je change de bus a la volee - litteralement - en compagnie d une poignee d autres occidentaux.

Le suivant sera "typique" ou ne sera pas, etait il ecrit. L arriere est blinde de cartons, bagages, cages a oiseaux et ustensiles de terrassement, quand le sol est recouvert jusqu a hauteur de siege de sacs de riz de 50 kg. Si on ajoute la "local size" au tout, il ne reste plus beaucoup d espace pour mon popotin. Ca devient franchement long, je suis creve, j ai besoin d une douche et cette putain de charrette n en finit pas de crever.
Et pourtant. Un sourire suffit pour enflammer le bus. Si aucun ne parle anglais, qu importe, c est plus amusant autour d un lexique des phrases essentielles. Peut etre avons nous faim ? Un ultime arret a 27 km du but repondra a la question... Et nous serons deposes au pied de l hotel qu on aura reussi a indiquer. Incroyable.

Le lendemain, c est un peu dur, malgre le sommeil, le lit, la douche et le petit dejeuner a la francaise. Ils sont des millions a velo ou en moto, dans tous les sens, c est un bordel pas possible, je perds trois fois la vie en traversant la rue, et des momes me demandent de les nourrir. Pas de reseau mobile pour mes sms et quand il apparait, il ne fonctionne qu en reception (ce qui n est pas si mal), il pleut dans la chambre de mes compagnons temporaires, le courant est coupe dans tout le quartier.

Une seule solution : prendre son temps. La patience fait revenir le courant, c est magique. Se fondre dans la foule sur une petite reine qui a connu la derniere imperatrice est un plaisir pas possible. Se poser une heure devant un jardin zen desert au milieu de la cite pourpre interdite efface tout.

Je me trouve nez a nez avec la pochette d un album de "Rage against the Machine" et la voiture qu on apercoit dessus au second plan. Un retraite de la mairie, fils d un medaille des expositions coloniales 1925 et 1931 me fera visiter une pagode, en demandant l autorisation pour moi au moines (qui ressemblent plus maintenant aux films de Hong Kong qu aux ascetes safrans, d ailleurs, certains ont des cheveux), apres quoi il m invitera chez lui sans cesser de me dire qu il aime beaucoup mon pays, dans un francais litteraire exquis. Et si je prends des risques insenses pour chopper la rue transversale dans ce boxon, on fera attention a moi.

Bienvenue au Vietnam.

20.7.04

 

Sur la route de Vientiane

Il est jeune. Seize, dix sept ans peut etre. Campe dans ses tongs, les pieds legerement ecartes, il semble poser. Regarder s'il est regarde. Affecter une assurance qu il ne ressent pas ?

Pas tres grand, les cheveux noirs et raides des laotiens, pas tres courts mais pas tres longs non plus. Un jean bleu sombre, un t shirt assorti. Et la cigarette, au coin du bec, dont il semble vouloir aspirer le moindre millimetre.
Il est plante la, devant le bus public "Vientiane - Luang Prabang" arrete pour le lunch de ses passagers, juste de l autre cote de la route.

La bandouliere kaki sur son epaule est tendue.

Dans son poing droit, une AK 47.

17.7.04

 

Exotisme

Le mot est faible. Pour atteindre mon etape actuelle, j ai du revenir a l echelle humaine. Oubliez les milliers de kilometres effaces en quelques heures d avion. Ou meme les quelques centaines en une poignee d heures par l autoroute.
 
3 jours. C est le temps qu il m a fallu pour parcourir... combien... 700 kilometres ?
Depuis Chiang Mai, un minibus : 6 heures sur une route plutot correcte du nord de la Thailande. Etape a Chiang Khong pour la nuit, et le lendemain matin, sortie du royaume dans une longue pirogue d un metre de large pour traverser le Mekong. Une fois les formalites de douanes accomplies, le change de mes bahts effectues (1 baht = 265 kips, 1470 bahts = 383 000 kips, la liasse de billets de 5000 ne s est pliee qu a contrecoeur), j ai embarque dans un slow boat. Apres huit heures de trajet sur un banc de bois etroit, seconde etape a Pak Beng. Sitot debarques, sitot assaillis de promoteurs d auberges. En partageant les frais, la decrepitude se fait moins sentir, et l ambiance est meilleure. Le lendemain matin, nouvel embarquement pour huit nouvelles heures de bateau, sans compter les arrets servant a debarquer des locaux ou se re-approvisionner en poisson seche. Et le soir, juste au moment ou la temperature sur la terre ferme se fait plus douce, c est enfin l arrivee.
 
S il y a un nom qui m evoquait ce titre, alors c est bien cette ville. Spirou et Kodo le tyran, le palais du Dalai Lama au tibet, les stupas... j avais des images plein la tete d un lieu magique.
Je suis arrive dans une reconstitution coloniale d une petite bourgade du sud de la France.
Apres des kilometres de desert tropical, a peine emailles ici et la de toits de chaumes parmi les arbres, je trouve de la baguette pour le petit dejeuner, un cafe lounge branche, des maisons blanches aux volets pastels evoquant la Bretagne ou le pays Basque... au bord d un fleuve lourd et puissant qui n a rien d occidental.
 
Luang Prabang.

13.7.04

 

Une nuit chez les Karen

Decouvrir un village Karen - l une des ethnies minoritaires du nord de la Thailande, dont l origine est liee au Tibet - c est un peu retrouver le village gaulois de nos ancetres. Il ne manque que la palissade. Si l electricite semble "accessible" au vu des panneaux solaires et de la grosse parabole, je n en ai pas vu une seule application.

Dans le perimetre decrit par une vingtaine de maisons de bois sur pilotis, aux toits de chaume, les habitants, fermiers cultivateurs de riz, elevent poulets et cochons noirs, un couple de vaches, et procedent a leurs activites quotidiennes. La plupart ne connaissent pas Chiang Mai, quant a Bangkok...
Passe 19h, ils s eclairent a la bougie. La cuisine se fait au feu de bois, et l eau va se chercher au robinet fixe au milieu du village.

Le decalage avec mon univers est tellement enorme que je croirais presque que tout ceci n est qu une mascarade a touristes. Je suis sur une autre planete.

La tranquillite de ce petit coin perdu entre deux collines, malgre le boucan des rizieres a la nuit tombee (grenouilles ?), est impressionante. On se sent loin de tout, protege de l agitation du monde. En securite.

Cependant, j ai retrouve la douche froide et les toilettes d une guesthouse avec plaisir. Et bien que le petit dejeuner au feu de bois soit original, les vendeurs des rues de Chiang Mai ont tout de meme plus de choix a nous proposer.

D ailleurs c est drolement bon.

9.7.04

 

Bangkok

Avec Bangkok, il semblerait que le premier contact ne soit jamais le bon. Comme quelqu un qui gagnerait a etre connu. Et c est apres deux semaines de Thailande que je l apprivoise.
De passage pour rejoindre Chiang Mai et le nord, j ai profite de la compagnie de deux danois pour sortir du ghetto touristique que peut representer Khao San road - popularise (?) par le roman d Alex Garland, puis le film "The Beach". Definitivement eviter les tuk tuk comme la peste : le ferry et les bus sont a des prix derisoires, et tout aussi rapides, ou presque.
Et marcher. Quel meilleur moyen pour decouvrir une ville ?

Bangkok a un plan d urbanisation que je qualifierai de... "different". S il existe.
Le musee des barges royales - grandes barques (une 50aine de metres) traditionnelles de ceremonies - n est accessible que par un dedale de ruelles humides, serpentant entre de coquettes bidons-maisons.

Les marchands de streetfood semblent omnipresents. Beignets de poisson, de crabe, de poulet, brochettes, salades, fritures ou soupes, sucre, sale, epices, on y trouve tout ce qu on pourrait y chercher.

La religion est etroitement liee au quotidien. Difficile d eviter les temples, ils sont partout. Les places arrieres des ferry sont reserves au moines, qui ne sont pas cloitres hors du regard du monde, au contraire. Si le service militaire est d au moins deux ans ici, il est egalement "conseille" de vivre une periode monacale. Selon votre envie, elle pourra durer d une semaine a plusieurs mois.

La pollution est impressionante. Elle affadit les couleurs, salit le bleu du ciel. Le fleuve est encombre de plantes d eau, qui ramassent toutes les bouteilles que l on jette, mais ne semblent deranger personne. L ecologie ici, semble appartenir a un autre monde.
L air conditionne est a fond dans toutes les epiceries, et donne la sensation de s approcher d un feu lorsqu on ressort. Les odeurs changent sans arret. La cuisine au milieu des egouts.

Je m echappe dans quelques heures.

4.7.04

 

Si...

Si la connection internet etait meilleure, c est a dire plus rapide et plus stable, j en aurais des choses a raconter : se faire arreter a trois sans casque sur une 100 cm3 le soir de la Full Moon Party - l evenement mensuel de ce coin du globe qui attire en masse australiens, neo zelandais, irlandais, ecossais, anglais... qui n ont alors qu un seul but : se bourrer la gueule le plus longtemps possible (genial).
Ou encore un voyage dans un bus rempli a 3 par siege de collegiennes de retour chez elles apres une semaine d ecole. Voyage de 3h que j ai d ailleurs passe debout dans l allee.
Ou mes debuts, plus ou moins reussis, de pilote de moto cross categorie 125.

Ou les rencontres, plutot : un voyage, c est avant tout des coincidences temporelles et spatiales. Meme si la majorite actuelle se realise avec d autres touristes, c est toujours enrichissant. 2% des americains ont un passeport, c est pourquoi je croise surtout des ressortissants du Commonwealth aux experiences aussi precoces qu exotiques, et dont la nonchalance ne cesse de m impressionner.

Seulement, la connexion est mauvaise et j ai envie de slapper l ordi...